dimanche 8 juin 2014

Panzani : De Don Patillo à Marcel Proust.

Bonsoir chers lecteurs et chères lectrices ! 

Je comptais écrire un article sur les publicités de voitures mais encore une fois, je me suis fait stopper par une pub sur les sauces tomates. Du coup, je renvoie temporairement aux oubliettes nos chères titines et c'est avec la marque, que l'on ne présente plus en ce domaine, PANZANI que nous allons passer cette soirée un brin estivale.

De Don Patillo à Marcel Proust. Pourquoi un tel titre ? Tout d'abord, nul n'ignore que ce qui a fait la fortune de ce modeste immigré italien, ce cher Giovanni Ubaldo Panzani, n'est autre que la qualité de ses pâtes. Pâtes fraîches à la base, pâtes sous cellophane par la suite, Panzani surfa sur le succès des "Dom Camillo" pour bâtir son égérie à son effigie : Don Patillo !

On retrouve bien les codes du film avec un curé ayant du mal à résister aux tentations, la gourmandise le cas échéant, avec la mise en avant du produit, symbole de l'Italie. De plus, le logo en forme de marmite reprend par ailleurs les couleurs du drapeau national. 

L'italianité des produits, la marque s'en servira toujours. C'est le gage premium de la qualité que ce soit pour les pâtes que pour les sauces par la suite. En outre, Panzani enfonça le clou lorsqu'il décida comme bien d'autres marques à une époque, de rajouter son prénom (ou du moins le prénom du fondateur) pour toujours plus d'authenticité.






Tout allait bien dans le meilleur des mondes quand soudain, sorti de nulle part, un nouveau spot publicitaire apparu (rien à voir avec Benoîst...) dans mon champ de vision :



Par où commencer... Oui, d'abord dressons le cadre. Nous avons donc une scène familiale avec une jeune femme cuisinant la pasta et versant allègrement de la sauce Panzani. Apparaît ensuite la mère qui lorsqu'elle goûte la sauce se revoit dans son enfance lorsque sa grand-mère, sans nul doute italienne, lui faisait goûter sa sauce maison, préparée avec de succulentes tomates du jardin gorgées de soleil. Là elle éprouve une fierté non dissimulée pour sa fille qui a réussi avec une sauce en bocal à faire aussi bien que dans son souvenir. S'en suit accolades et autres bisous, la boucle qui se boucle, le geste de la mère (alors grand-mère) sur sa petite-fille comme elle-même l'avait eu de sa propre mère-grand. Le tout bercé par la chanson "Felicità" (Bonheur en français, qui revient en boucle vous noterez...) de Al Bano et Romina Power.

C'est mielleux, c'est plein de mièvre et c'est purement du foutage de gueule. Démonstration :

  1. La mère reste sacrément bien foutue pour son âge, qui aurait pu d'ailleurs être celui d'une grande sœur. Mais bon soit, Panzani recrute des "milf" à présent.. Captivons le regard.
  2. On a connu la madeleine de Proust, on a la sauce de Panzani. Pour mémoire voilà comment Proust rechercha le temps perdu (pour les fans, vous avez même le commentaire littéraire). Sans déconner, Proust use de différentes figures de style, y va à tâtons, rend la chose poétique et purement nostalgique. Je sais qu'il est très difficile de transposer un récit en vidéo, surtout quand la pub doit durer 30 secondes, mais merde ! Elle goûte, hop flash-back et toute son enfance y passe (juste avec une goutte de sauce, imaginez après à table ce que ça va donner !). L'allusion est à chier. Quand elle revient à elle, aucune émotion, rire niais de connivence et hop embrassade. Refaites la scène avec comme retour en arrière sa feuille d'impôts non imposable et le résultat est le même...
  3. Deux choses : Soit la Mama cuisinait comme une merde soit on nous prend pour des cons. Oui au fond...? Oui ? Bien !!!! On nous prend pour des cons ! Panzani essai de nous faire croire qu'une sauce en bocal, industriellement produite, serait aussi bonne qu'une sauce maison avec de VRAIS tomates (cf 4) ! Comment peut-on oser dire, enfin je ne sais pas vous chers lecteurs et lectrices mais, la cuisine de Mamie, c'est incomparable non ? Putain on peut pas dire à sa grand-mère : "Tu sais Mamie, ta sauce, ben elle est aussi bonne que celle en boite !" Etant d'origine italienne, ça me fait mal ! Si j'avais dit cela à la mienne...
  4. Alors le côté, oui heu la recette c'est avec des tomates du maraîcher... Vu la concurrence et vu la maîtrise des coûts qu'il faut avoir pour rester concurrentiel, ok tes tomates elles sont peut-être clean mais c'est pas des coeur de boeuf non plus...
  5. La fin approchant, nous découvrons qu'en fait la mère est grand-mère ! Ce n'est donc plus une milf mais une gmilf ! (Je vous laisse deviner la traduction...) Elle refait le rituel de la sauce tomate sur le nez (????????????) et laisse donc comme héritage culinaire à sa petite-fille non plus une recette ancestrale, mais juste un sale bocal vide de sauce de supermarché. 

De Patillo à Proust, il y a un rift. Et pourtant Panzani à réussi à construire le viaduc qui a permis de rejoindre ces deux concepts. Mais à quel prix ? Beaucoup décrièrent l'égérie que fut Patillo car elle relevait de l'imagerie populaire, peu en accord avec l'image de la marque qui a toujours été plutôt haut de gamme. 2014, le symbole s'intellectualise mais perd complètement en cohérence. Il est clair que Panzani est doué pour produire ses pâtes et ses sauces (Leader avec 36% et 35% de parts de marché) mais doit encore faire un effort côté communication. Le message ne vaut pas le produit et ce pauvre Giovanni doit se retourner dans sa tombe...


Pour aller plus loin : 
http://www.agencepulsi.com/blog/culture-pub-don-patillo/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Panzani

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